Ces dernières semaines, les « petites retraites » sont descendues dans la rue.
Le malaise et le mal-être ressentis par ces bénéficiaires de petites retraites sont, désormais, dominés par un sentiment d’injustice traduit par l’expression maintes fois entendue : « …avoir travaillé toute sa vie pour ça ! ». Ce sentiment d’injustice exprime, en fait, la réalité d’une situation dont nul n’a conscience en raison de cette sorte de lavage de cerveau dont la population française est victime depuis des décennies. Comme toujours, les meilleures, les plus grandes mystifications sont découvertes parce qu’un tout petit détail, une petite anomalie dans le fonctionnement du système finit par attirer l’attention et révèle la vérité.
Dans le cas des retraites, il est possible d’affirmer que s’il y en a des petites, voire même des très petites, c’est tout simplement pour pouvoir payer les très grosses.
Le point de détail qui trahit la tartufferie découle du discours qui nous est servi depuis des lustres. Ce discours qui a permis de nous laver le cerveau. On nous a toujours dit qu’au nom de la solidarité nationale, intergénérationnelle, les pensions des retraités sont payées par les actifs. Le nom de ce système est « la répartition ». En d’autres termes, vous ne cotisez jamais pour vous. En fait vous cotisez pour payer les pensions de ceux qui sont à la retraite. L’anomalie du système apparaît lorsque vous faites valoir vos droits à retraite. C’est à ce moment-là que l’on vous dit que si le montant de votre pension est si bas c’est parce que vous n’avez pas cotisé beaucoup.
Un manquement au principe de la solidarité nationale
La contradiction de ces discours diamétralement opposés est évidente. Selon les besoins du système on vous dira tantôt que vous n’avez pas cotisé pour vous. Puis tantôt que vous avez cotisé pour vous … ! ? C’est bien là que se situe le manquement au principe de la solidarité nationale.
Toutes vos cotisations sont versées dans un « pot commun » appelé « répartition ». Avec ces cotisations sont payées toutes les retraites, même les plus grosses.
Mais, quand vient votre tour de recevoir votre part, aucune « grosse » cotisation n’est prise en compte pour améliorer votre retraite. Seules vos cotisations personnelles sont comptabilisées.
On comprend alors que le principe de solidarité nationale a été corrompu. Ce principe exige que les nantis doivent payer pour les plus démunis. Or c’est exactement l’inverse qui se produit.
Le « petit retraité » n’a plus à quémander l’aumône
Chaque « petit retraité » doit avoir conscience de cette triste réalité. Mais pas seulement. Il doit savoir que le droit (1) est pour lui. Et qu’il n’a plus à quémander l’aumône mais qu’il détient le pouvoir d’exiger que la loi soit appliquée. Pour que ses droits soient rétablis.
Dans le cadre d’un régime légal de retraite fondé sur le principe de solidarité nationale, les cotisations sont proportionnelles au revenu. Donc il ne peut pas y avoir de lien entre la pension et les cotisations. Ni dans un sens ni dans l’autre. Et les pensions doivent être identiques pour tous les assurés.
Étonnant n’est-ce-pas ?
Mais dans ce beau pays où sévissent les « Benalla » et autres obscurs, peut-on encore se permettre d’être étonné ?
Claude PRIGENT
Annexe(1)
Le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) a rendu, le 5 février 2018, l’arrêt T 216/15 dont le point 52 est reproduit ci-après :
« Aux fins de cet examen, d’une part, il y a lieu d’indiquer que les régimes de sécurité sociale mettant en œuvre le principe de solidarité sont, notamment, caractérisés par une affiliation obligatoire des organismes au régime, par une absence de lien direct entre les cotisations versées et les prestations perçues, par des prestations obligatoires et identiques pour tous les assurés, par des cotisations proportionnelles aux revenus des assurés, ou encore par un régime fonctionnant selon le principe de la répartition.
(voir, en ce sens :
Arrêts du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C 159/91 et C 160/91, EU:C:1993:63, points 9 à 12 ; du 22 janvier 2002, Cisal, C 218/00, EU:C:2002:36, points 34 à 43, et du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a., C 264/01, C 306/01, C 354/01 et C 355/01, EU:C:2004:150, points 52 et 53). »